Après le climat : pourquoi et comment intégrer la biodiversité dans sa stratégie d’entreprise ?

Un tournant dans la prise de conscience environnementale

Alors que le contexte politique mondial semble reculer face à l’urgence climatique, la dégradation rapide des écosystèmes rappelle l’ampleur du défi à relever. Les impacts des changements climatiques et de la perte de biodiversité ne sont plus des projections : ils influencent déjà les performances économiques, la stabilité des chaînes d’approvisionnement et la sécurité des entreprises. Celles qui anticipent ces transformations et adaptent leurs stratégies renforcent leur résilience et se dotent d’un avantage concurrentiel durable. Plus que jamais, leur rôle est essentiel pour relever les grands défis climatiques et écologiques.

Depuis le début des années 2000, les entreprises ont progressivement pris conscience de leur responsabilité dans la crise climatique. Elles ont mesuré l’impact de leurs activités sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) et ont adopté des outils pour les quantifier et les réduire. Aujourd’hui, les bilans carbone sont couramment utilisés et partagés, les méthodologies sont plus claires, et un nombre croissant d’expert·es accompagnent les organisations dans leur transition.

Le gouvernement du Québec vise une réduction de 37,5 % des GES d’ici 2030 par rapport à 1990. Les bilans carbone demeurent un levier essentiel pour mesurer les progrès vers cette cible et orienter les plans d’action des entreprises. Bien que des efforts restent à faire, la mobilisation collective autour du climat constitue un succès à souligner.

La biodiversité : un enjeu plus vaste, longtemps ignoré

Alors que la lutte contre les GES s’est structurée au cours des dernières décennies, un autre enjeu environnemental devient très préoccupant : la crise de la biodiversité. Trop souvent reléguée au second plan, elle est pourtant au cœur de la résilience des entreprises et des économies. Le climat et la biodiversité sont indissociables,  et constituent en quelque sorte deux facettes d’une même réalité. Selon la Convention sur la diversité biologique (CIUN), la biodiversité désigne « l’ensemble des êtres vivants ainsi que les écosystèmes dans lesquels ils vivent, incluant les interactions entre espèces et avec leurs milieux ». Elle est aujourd’hui en déclin rapide, avec un effondrement sans précédent des populations animales et végétales, menaçant les services écosystémiques essentiels à nos sociétés.

 

Vers une structuration des démarches biodiversité

À l’image de la lutte contre les GES, les scientifiques, les institutions et les entreprises s’organisent pour structurer les démarches liées à la biodiversité :

  • Des cibles ambitieuses : le Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal (COP15, 2022) structure les engagements mondiaux ; protéger 30 % des terres et mers, restaurer 30 % des écosystèmes dégradés, réduire de moitié les espèces envahissantes, et supprimer 500 milliards $ de subventions nuisibles à la biodiversité.

  • Des cadres méthodologiques émergent : Le TNFD (Taskforce on Nature-related Financial Disclosures) propose un cadre pour identifier, évaluer et divulguer les risques liés à la nature.

  • Des indicateurs se développent: Bien qu’il n’existe pas encore d’indicateur unique aussi universel que le T/CO₂e pour le climat, plusieurs outils permettent aujourd’hui de quantifier les impacts sur la biodiversité. Parmi eux, le MSA.km² (Mean Species Abundance par kilomètre carré) mesure la santé écologique d’un territoire en comparant l’abondance des espèces à celle d’un écosystème de référence. Le PDF (Potential Disappeared Fraction of species), quant à lui, estime la proportion d’espèces susceptibles de disparaître sous l’effet de pressions anthropiques. Ces indicateurs ont l’avantage d’agréger plusieurs types de pressions (fragmentation, pollution, surexploitation, etc.) en une seule mesure synthétique, facilitant ainsi la compréhension des enjeux et le suivi des progrès réalisés.

  • Les politiques publiques se renforcent : La directive européenne CSRD impose aux grandes entreprises de divulguer leurs dépendances et impacts sur la biodiversité (norme ESRS E4).

 

Pourquoi les entreprises doivent agir dès maintenant

Voici cinq raisons stratégiques pour intégrer la biodiversité dans votre stratégie ESG :

1.     Les outils sont disponibles : Les méthodologies se précisent, et la société a besoin d’entreprises pionnières pour les mettre en œuvre.

2.     Les réglementations évoluent : Les grandes entreprises et institutions financières devront se conformer à de nouvelles obligations qui seront graduellement plus strictes et exigeantes.

3.     Les appels d’offres changent : Les donneur.euses d’ordre exigent une meilleure prise en compte de la biodiversité.

4.     L’acceptabilité sociale est cruciale : Dans certains secteurs, comme le secteur minier, le développement immobilier et l’exploitation des ressources naturelles, la pression citoyenne pour des pratiques plus durables s’intensifie.

5.     Les risques financiers sont majeurs : 72 % des entreprises dépendent directement de la nature pour assurer leurs activités (BCE, 2024). En effet, les milieux naturels et leur biodiversité rendent de nombreux services essentiels à la société, tels que la pollinisation, la régulation de la qualité de l’eau et, la fertilité des sols. De telles fonctions sont indispensables au maintien des chaînes de valeur et à la sécurité des approvisionnements.

 

Par où commencer ?

En tant que responsable ESG, vous souhaitez embarquer votre entreprise dans cette démarche ? Voici comment structurer votre approche :

 

1.     Choisir votre angle stratégique pour convaincre vos dirigeant.e.s

La biodiversité peut être abordée sous différents angles selon le secteur, les valeurs et les priorités de votre entreprise. Voici quelques pistes pour amorcer une réflexion stratégique :

Votre entreprise dépend directement des ressources naturelles ?

Secteurs : agriculture, foresterie, pêche, tourisme en nature
→ Analysez vos dépendances écologiques (eau, sols, pollinisation, etc.) et les risques financiers liés à leur dégradation.

Exemple : Une coopérative agricole en Montérégie pourrait cartographier ses dépendances à la pollinisation pour anticiper les impacts d’un déclin des insectes pollinisateurs.

Votre organisation est déjà engagée dans la décarbonation ?

Secteurs : industrie, énergie, transport
→ Positionnez-vous comme leader environnemental en élargissant votre démarche climatique à une approche 360° incluant la biodiversité.

Exemple : Hydro-Québec intègre déjà des enjeux liés à la biodiversité dans ses rapports ESG.

Votre entreprise est soumise à des obligations réglementaires ou financières ?

Secteurs : institutions financières, compagnie d’assurance, grande entreprise cotée
→ Préparez-vous aux nouvelles normes de reporting (CSRD, TNFD) et identifiez vos risques de non-conformité.

Exemple : Une institution financière pourrait cartographier les risques de perte de biodiversité dans son portefeuille d’investissements.

Votre secteur repose sur l’acceptabilité sociale ?

Secteurs : mines, infrastructures, urbanisme
→ Intégrez la biodiversité dans votre stratégie de dialogue avec les communautés et les parties prenantes.

Votre entreprise est soumise à des appels d’offres publics ?

Secteurs : construction, services environnementaux, ingénierie
→ Anticipez les exigences croissantes en matière de biodiversité dans les cahiers des charges.

La biodiversité offre une diversité d’angles d’entrée. Il est important de choisir celui qui résonne avec votre réalité opérationnelle.

 

2. Réaliser un diagnostic biodiversité

Habitat recommande de commencer par un diagnostic des dépendances, impacts, risques et opportunités. Inspiré du TNFD, ce diagnostic permet notamment de :

  • Identifier les ressources naturelles critiques (eau, sols, pollinisateurs, etc.).

  • Localiser les zones d’impact (extraction, production, transport).

  • Évaluer les risques financiers, réglementaires et sociaux.

 

3. Structurer votre premier plan d’action

Votre premier plan d’action n’a pas besoin d’être parfait pour déjà faire une différence. L’essentiel est d’initier une démarche concrète, qui servira de base à une stratégie en constante évolution et amélioration.

Une fois les dépendances et impacts identifiés, l’entreprise peut :

  • Définir des objectifs de réduction ou de restauration.

  • Intégrer la biodiversité dans ses reportings ESG.

  • Sensibiliser et mobiliser ses parties prenantes (employé.es, client.es, communautés locales).

 

En conclusion, la biodiversité est un levier stratégique pour les entreprises responsables

La biodiversité n’est pas un enjeu secondaire. Elle est au cœur de la résilience économique, de la légitimité sociale et de la conformité réglementaire. Les entreprises qui s’engagent dès maintenant seront mieux préparées aux transformations à venir.

Prêt.e à faire de la biodiversité un atout stratégique pour votre organisation ?

Contactez Habitat pour être accompagné dans cette transition
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